Cette missive eût été exhumée à l’occasion d’une déprédation perpétrée sur l’Île du Réhal, en la micro bourgade de Pabladur. Dès lors, elle se trouvât enchâssée dans un cadre, ornant la première des deux bâtisses de l’île, à savoir : la bibliothèque.
Lorsque l’on s’enquerrait des raisons pour lesquelles, à Pabladur, se dressassent des mange-debout branlants, des latrines et des tréteaux sans qu’une auberge n’y fût érigée, et qu’à la place, une bibliothèque leur fît office de substitut, la réponse résidait simplement dans la philosophie de la maîtresse des lieux, Max.
Cette pirate, en effet, se fût obstinée à croire que « le corps se sustente de victuailles, tandis que l’âme ne se repaît que de livres. »
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« Je me tins là, en ce funèbre instant, les prunelles voilées par les larmes asséchées devant les flammes dévoratrices du dragon divin Réhalthar.
Je médite sur l’âpreté haineuse qui eût supplanté la mélancolie douce et les flammes bienfaisantes, celles-là mêmes qui m’eussent été implorées par ceux que j’avais, avec une indifférence cruelle, écartés de ma route afin de m’exiler sur cette Île. Et désormais, mourant, je m’interroge sur la souffrance qu’eussent endurée ces âmes, si elle eût égalé l’intensité de celle qui m’envahit, alors que, figé dans la plus brûlante des stupeurs, j’écoute le battement oppressant de mon insondable blessure… Mourant, mais attentif, je me découvre atteint du tourment amoureux.
Le feu de Réhalthar me consume, mais la douleur de l’amour fait geindre tout mon être dans cette lamentation déchirante. Cette foi fiévreuse et précipitée, cette effigie azurée, que tout parte dans le feu du dragon : je prends conscience de l’insoutenable et pénible densité de l’acte d’aimer, et je sombre dans la démence du chagrin.
Un pouvoir mendiant et des attachements ponctués de servilités régissent mon âme. Ah, comme le dragon divin est aussi cruel que l’amour ! Comme l’un et l’autre ont cette joie cruelle de leur perversité toute-puissante ! Sous mes pieds d’halfelin, le sable du Réhal me semble une lave incandescente. Chaque souffle de l’abominable créature gicle comme une sève chaude, créant toute une pluie d’étincelles.
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Cela fait déjà une semaine que j’eusse demeuré en ce lieu où tout n’es que déflagration, cendres fuligineuses et zénith blanc. J’entends, de l’autre côté de la rive, à Ascador, les cris, les appels, les tintements des gongs, le cahotement des levis, le sifflement des vapeurs, le bruit des ringards jetés à terre montent, se mêlent, dissonant dans la prodigieuse cacophonie de ce peuple d’hommes tentant d’affronter un dragon, beuglant et mugissant à l’égal d’une ménagerie. L’épilogue s’approche inexorablement, et je peux sentir le souffle du couperet d’Ashed sur mon cou roidi.
Ce jour, je vais périr, blême sous ce jour vermeil, le corps recouvert de tâches roses de brûlures à ma peau mordue par les giclées de l’haleine ardente de Réhalthar. Mais de toute ma vie, je n’eusse regretté qu’une seule chose : avoir souffert sous l’oppression de cette douleur vorace que l’on appelle Amour. «